8 mars : mes réponses… Première partie…

Quelle résonance a le mot féminisme pour moi?

Guerilla Girls, composite d'œuvres de différentes dates, elles@centrepompidou, artistes femmes dans les collections du musée d'art moderne.

Au début des années «90», quand j’étais à l’université, autant dans les cours que dans les médias (je viens de Québec un giron radiophonique particulier), le mot féministe était utilisé pratiquement comme synonyme de mégère. Dès qu’une femme faisait du sensationnalisme dans les médias, de l’esbroufe en société, les commentateurs s’empressaient de dire, on connait ça, ce genre de féministe frustrée… Le mot, dans la culture populaire, était inexorablement lié à une attitude agressive. Pourtant, quelques années plus tard, j’ai commencé à travailler avec des femmes qui géraient des organismes dit féministes et ce mot a pris pour moi un autre sens. Pas de filles frustrées dans les endroits où j’ai travaillé, pas de jugement sur ce que les filles pouvaient ou ne pouvaient pas faire.

En 2010, est-il toujours pertinent de parler d’égalité? Faut-il aborder la question autrement?

Je ne sais pas s’il est possible d’en finir avec la modestie féminine, comme le suggérait Pascale Navaro dans un essai du même nom, mais ça serait déjà un bon début. Et, de là, entre nous, nous serions plus généreuses pour celles qui réussissent ou celles qui prennent des voies différentes des nôtres. Pourquoi je parle des filles ici? Parce que notre solidarité est à mon avis le meilleur chemin vers plus d’égalité… Ce qui ne veut pas qu’il ne reste pas quelques dossiers politiques à pousser.

Comment vois-tu l’équilibre entre le rôle de femme, la carrière et tout le reste?

Je pense qu’il faut se permettre de vouloir tout, mais ensuite il faut aussi se permettre de faire juste une partie de ce tout ou de se donner du temps. Je suis certaine que plusieurs hommes pensent comme ça (certains me l’ont dit), alors j’essaye vraiment de me donner le droit de prendre mon temps, d’aspirer à mieux et de ne pas toujours réussir dans les délais que m’étais fixé…

Est-ce que pour une mère la décision de se consacrer entièrement son rôle de mère, en mettant parfois le concept de carrière en attente, est en contradiction avec le féminisme?

Ceux qui lisent mon blogue depuis longtemps savent que j’aurais bien aimé ou aimerais bien avoir des enfants. La biologie et quelques facteurs se sont mis en travers de mon chemin, mais j’ai compris quelque chose d’important : une carrière peut s’interrompre momentanément pour une foule d’événements plus ou moins heureux. Pour une femme il y a un temps dans la vie pour avoir des enfants, ce facteur est immuable, mais la carrière peut changer, s’arrêter, reprendre, jusqu’à un âge avancé. Pis le féminisme rendu là, bien c’est d’appuyer les femmes autour de soi dans leur choix, que ce soit d’être mère ou pas.

Le droit de choisir pour une femme, ça représente quoi pour toi?

Le mot choix est devenu galvaudé dans un contexte féminin où il est toujours associé à la notion d’avortement et ça m’énerve. Il faut voir le film Citizen Ruth par ailleurs pour démystifier cette guerre entre les mouvements qui veulent décider à la place des femmes. Mais pour moi le droit de choisir, c’est celui d’aborder la vie, sa vie,comme on le souhaite et de ne pas être jugée.

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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3 réflexions sur « 8 mars : mes réponses… Première partie… »

  1. De façon probablement très naïve, je pose la question : est-ce que le féminisme a encore sa raison d’être ici en 2010? La lutte contre la discrimination a été nécessaire à une certaine époque, c’est vrai. Elle l’est encore énormément d’ailleurs dans plusieurs sociétés. Mais ici?

    Je ne me suis jamais perçue comme féministe en fait, puisque je l’ai toujours associée à l’image de la féministe frustrée. J’ai l’impression qu’en cherchant à valoriser la femme, on crée un genre de fossé qui produit justement l’effet inverse.

    Je veux dire, oui il y a des différences entre les femmes et les hommes, parce que la nature en a voulu ainsi. Et qu’est-ce que ça fait au fond qu’une femme veuille devenir infirmière ou coiffeuse au lieu de mécanicienne? Est-ce que c’est de la discrimination ou un manque d’intérêt de sa part?

    Aujourd’hui, pour « consolider les acquis » et réactualiser le féminisme, ne devrions-nous pas cesser de toujours pointer ces différences pour plutôt valoriser ce qui relie les femmes aux hommes?

    Bianka, qui n’a peut-être pas assez de connaissance dans le sujet pour partir un long débat sur la question!

  2. Je pense qu’il y a encore des dossiers très techniques à revoir : pourquoi une infirmière gagne moins qu’un policier? Ils ont la même formation, des risques équivalents. Mais par hasard ces deux professions sont traditionnellement et respectivement réservées aux femmes et aux hommes.

    Je suis aussi d’accord avec le côté biologique de nos différences, mais nos choix de carrière sont socialement conditionnés. Comme disait Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe : on ne naît pas femme, on le devient. Mais bon, elle allait un peu à l’extrême pour prouver son point, car notre capacité d’enfanter nous confronte à des choix au cours de notre vie qui nous touchent de plus près (les questions de santé et de carrière) que le conjoint qui voit sa vie changée par son nouveau rôle de père. Et, encore là les gars en auraient beaucoup à dire.

    Pour ce qui est du cliché de la féministe frustrée, celles que l’on voit ainsi dans les médias, ne sont pas celles qui ont fait avancer nos dossiers et pratiquer un féminisme inclusif et humaniste.

    Bref, la discussion est ouverte…

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