« Recognition » : quand l’intelligence artificielle analyse des oeuvres d’art…

L’intelligence artificielle et ses différentes applications en art n’ont pas fini de modifier notre regard sur la création. Le musée Tate de Grande-Bretagne s’intéresse au sujet depuis quelques années et son plus récent projet « Recognition » a été lancé au début du mois de septembre 2016.

Lien vers l’audio de la chronique livrée à La sphère 

Qu’est-ce que « Recognition » et comment ça marche ?

default_logo-tateSi la créativité pure, n’est pas encore tout entière contenue dans un algorithme, il existe tout de même des formules complexes qui permettent à un programme de reconnaitre les caractéristiques d’un style, de classifier les textures ou les formes et ainsi possiblement de produire ou reproduire des œuvres d’art.

On les appelle des « neuro-algorithmes » (neuro comme dans psychologie cognitive et modèles employés dans les statistiques en se fondant sur le réseau nerveux humain) des styles artistiques et ils sont maintenant plutôt bons pour reconnaitre des visuels et les reproduire.

Le neuro-réseau du programme Recognition fait deux tâches principales : une couche analyse le contenu de l’image, tandis que l’autre analyse la texture et le style. Et… ces fonctions peuvent être opérées simultanément sur deux images pour les comparer…

Quand vous voyez une photo du plus récent Carnaval de Nothing Hill (le quartier anglais) et un portrait d’une famille bourgeoise du 18ème siècle, les similitudes possibles entre les deux n’apparaissent pas aisément à l’œil humain.

Mais un programme d’intelligence artificielle dédiée à l’image, peut détecter des similitudes dans la composition, les couleurs ou encore les formes des vêtements…

Recognition fait cela : il effectue des liens entre des photos d’actualité, tirées des dossiers de l’agence Reuters et des œuvres d’art historiques de la collection du Tate, pour permettre aux humains de jeter un regard nouveau sur les images qu’ils voient. Le programme associe les images en se basant sur une technologie de la reconnaissance d’image qui analyse les objets, les visages, les compositions et des données contextuelles glanées dans les métadatas.

Comment le Tate en est arrivé à développer un pareil programme ?

En fait, le Tate a un concours d’innovation numérique le IK Prize, qu’il tient en collaboration avec Microsoft et dont la bourse cette année était constituée d’un prix en argent de 15 000 livres et de 90 000 livres pour le développement du projet. Le centre de recherche italien Fabrica a gagné ce prix avec son projet « Recognition » et a ainsi pu illustrer « comment la pensée rationnelle et objective pouvait être appliquée à un domaine aussi subjectif que l’art » selon Angelo Semeraro du centre.

Pour développer Recognition, une compagnie d’intelligence artificielle, sise à Toulouse, JoliBrain a utilisé sa création, le logiciel DeepDetect pour créer les fonctions de reconnaissance des formes et texture, et Microsoft a collaboré en ouvrant l’accès à ses services d’API cognitives pour ce qui est de la détection des visages.

Le but de Fabrica était de faire revivre la collection du Tate à travers un prisme contemporain, mais aussi de mettre en lumière le travail photographique qu’il y a dans l’actualité. Le résultat montre comment le présent est en lien constant avec le passé.

Sur le site du projet « Recognition » vous pouvez voir comment le programme a rapproché une photo d’actualité d’un chien et un portrait de chien du 18ème siècle, mais surtout des associations beaucoup plus inusités. Comme une photo d’une émeute à Harare au Zimbabwe et celle d’une aquarelle de William Henry Hunt (peintre du 19ème siècle) représentant un paysage paisible…

Le plaisir une fois ces rapports étranges mis au jour et d’explorer ce que l’intelligence artificielle en action a vu, comme lien entre les deux images. Dans la galerie virtuelle de Recognition, on peut voir le programme sélectionner une photo et fureter pour trouver des pairs possibles. Ensuite, le processus de pensée du programme nous est révélé par les « identifications » ou « tags » contextuels qui ont été utilisé pour obtenir le résultat…

Vous ne serez pas toujours convaincu des résultats, mais au moins la logique du programme se justifie… Parce que l’intelligence artificielle détecte des similarités qu’un humain n’aurait peut-être pas vues…

Pour Dave Coplin, Chief Envisioning Officer at Microsoft, qui s’est confié à la publication Motherboard, l’aspect « émotions humaines » de la techno qui est exploité ici, était la plus intéressante à son avis dans ce projet et est possible grâce à des algorithmes qui peuvent juger de facteurs comme l’âge, le sexe, même l’humeur quand un visage leur est présenté. Par ailleurs Microsoft avait trouvé une utilisation beaucoup plus prosaïque à ses algorithmes savants l’année dernière en créant le site how-old.net website qui en essayant de deviner l’âge des utilisateurs avait brisé bien des égos.

Or, dans le projet Recognition, Coplin admet que l’expertise de Microsoft pour la reconnaissance faciale s’exprime de façon beaucoup plus poétique. Recognition peut naviguer dans 50 à 70000 œuvres d’art et leur découvrir de nouveaux aspects en quelques secondes…

Et au final, c’est donc en quelque sorte une face cachée de l’art et de la psyché humaine qui est révélée.

Le projet se poursuit en ligne jusqu’à la fin novembre, alors allez-y voir…

Références :

http://recognition.tate.org.uk/

http://motherboard.vice.com/read/artificial-intelligence-can-now-paint-like-arts-greatest-masters

https://www.microsoft.com/cognitive-services

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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