J’ai vécu mes premières amours à l’abri de l’Internet, des courriels, du dating en ligne et de toutes ces nouvelles façons de faire. Le courriel existait déjà quand j’étudiais à l’université, mais son usage était plutôt restreint au travail et encore. Pas de Facebook, pas de blogue, il fallait traquer nos objets amoureux à pied, d’un bar à l’autre, prendre à distance les messages de notre répondeur (d’une cabine téléphonique) pour savoir où étaient nos copains, la grosse misère quoi. Il fallait être débrouillard et plein d’énergie. Un paquet de post-it dans la poche devenait une nécessité pour laisser sur la porte du copain ou du fiancé un mot comme « je suis chez Edgar jusque vers 23 h, viens me rejoindre si tu peux ».
Et les lettres! Combien en ai-je écrites? Sur du papier, du carton, des feuilles de cahier d’esquisses, là, comme en toute chose, j’étais intarissable. J’écrivais des fables, des nouvelles, des pièces de théâtre avec pour seul but d’exprimer un trop-plein d’émotions. Dans un récit semi fictionnel que je mets en forme en ce moment, le personnage principal qui écrit sans arrêt raconte,
« Pendant des années, je n’ai écrit que pour un seul destinataire, tous mes mots, toutes mes envies lui étaient dédiées. Lettres de désespoir, lettres d’amour, « post-it » jaunes ou roses remplis à ras bord, mots par ici et par là, grandes envolées érotiques : tout lui était adressé. Je lui racontais notre histoire d’amour, je la pimentais, la rendais plus grande que nature et lui, qui n’écrivait pas, m’étreignait en me répétant les mots que j’avais écrits. »
Ensuite, ça se gâche un peu, mais le reste, je le garde pour moi. Pour l’instant. Revenir au mode de l’écrit dans l’univers virtuel m’est étrange, puisque les mots demeurent pour moi la matière de la littérature. Je devrais peut-être me débrancher pour un moment.