Les réseaux sociaux et 2014 : une force affirmée et des excès à surveiller

Récemment, à un souper avec des copains qui sont tous très actifs sur les réseaux sociaux, en faisant souvent même leur gagne-pain, après les salutations d’usage, presque sans exception nous avions tous la même perception de l’année qui se termine : ouf! quelle année de merde, vivement une autre année et d’autres possibilités. Élections, automne d’austérité et de dénonciations libératrices, beaucoup d’émotions fortes quoi. Cela dit, j’attendais depuis longtemps que les réseaux sociaux révèlent cette force de mobilisation, mais disons que par moment j’aurais souhaité me soustraire à certaines vagues.

La force dénonciatrice des réseaux sociaux

En avril 2014, nous avons vécu une élection qui a vu le PQ tomber et devoir penser à sa reconstruction. Avec cette élection, nous avons connu le retour en force du PLQ, l’affirmation d’une ère d’austérité (ou de rigueur, c’est selon) et du même souffle le retour des contestations. Ce qu’on appelle l’affaire Ghomeshi, et qui est loin d’être terminée pour la CBC, a soulevé une vague de fond autour de la question des agressions sexuelles banalisées et a menée à la création du mot-clic #agressionnondénoncée.

Cette conversation a été libératrice pour plusieurs (lire cet article sur Radio-Canada.ca), mais comme tout mouvement de masse, il a créé quelques malaises, surtout autour de dénonciations personnalisées, qui ont parfois pris l’allure de chasse aux sorciers. Je n’ai pas commenté cette période, car il me semblait plus pertinent de demeurer focalisée sur le cœur du sujet, soit ces victimes qui trop longtemps n’ont pas eu la légitimité de dire, plutôt que recentrer le débat sur les accusations plus floues, voire injustifiées qui ont fait déraper un peu le débat.

Les relations publiques et les réseaux sociaux : Facebook comme outil RP

Si les réseaux ont montré leur puissance pour dénoncer cette tare sociale qu’est le harcèlement sexuel, on a aussi vu le catalyseur de ce mouvement, Jian Ghomeshi lui-même, essayer maladroitement de harnacher cette force pour reprendre le contrôle de sa réputation en publiant sa version des faits sur Facebook (Toronto Star). Les ficelles étaient trop grosses, cela n’a pas été un succès. C’est une leçon qu’il faut retenir : la manipulation sur les réseaux est vite débusquée et les analyses en réponse à une publication biaisée ne tardent pas à se faire entendre, jusqu’à enterrer la voix des « vedettes ».

D’autre part, Pierre-Karl Péladeau et Julie Snyder, tous deux des puissants des médias de masse, ont amorcé pendant l’élection 2014, une façon de gérer leur relations publiques, presque uniquement par Facebook (article de Droit Inc.). Julie s’était déjà illustrée avec son mouvement politique des #Janette, ce groupe de femmes en faveur de la charte qui avait pour inspiration Janette Bertrand (le manifeste est ici). Dans ce dossier de la Charte des valeurs, les voix les plus fortes était pro-Charte, mais l’histoire retiendra que séparer la population sur une question aussi sensible n’est pas gagnant.

Cela dit, Julie et PKP ont mené toute une expérience avec les réseaux sociaux et, à mon opinion, ont développé une nouvelle façon de faire des relations publiques. Vous voulez ma réponse de dire le nouveau député PKP? Posez donc la question sur Facebook. Pas besoin de mêlée de presse donc, pas de relations de presse traditionnelles.

Comment réagiront les médias? Cette tendance sera à surveiller en 2015, car je doute fort qu’elle aille en s’amenuisant et même, d’autres personnalités la copieront certainement, au grand dam des journalistes.

Les médias sociaux et moi : consommer moins et digérer mieux…

Ah, Ben Vautier, les mots sont de l'art.
Ah, Ben Vautier, les mots sont de l’art.

Cet automne, la mobilisation hors-pair en ligne pour la manifestation du 29 novembre, m’a vraiment rassurée sur le potentiel bénéfique des réseaux sociaux. Il le fallait, car le reste de l’année, j’ai eu l’impression que Facebook, tout en étant pratiquement intoxiquant, se révélait souvent le lieu de beaucoup d’intimidation, de jeux sociaux pervers ou plus simplement une perte de temps inestimable.

Avec de plus en plus d’utilisateurs (et le fait que je suis sur lesdits réseaux depuis presque 10 ans), j’ai commencé à avoir un certain ras-le-bol des réactions excessives à des publications parfois banales. Certains commentaires s’emballaient tellement, qu’il m’a fallu supprimer des statuts, pour ne plus avoir à gérer les commentaires comme si je n’avais que ça à faire. J’ai donc épuré ma liste « d’amis », créé une liste « amis proches » pour partager des réflexions personnelles, des observations plus abrasives, sans que des étrangers, voire des gens malintentionnés mettent leur grain de sel ou pire encore partent en cabale, mon statut Facebook en preuve de ceci ou cela.

Je serai donc moins présente sur Facebook en 2015, sinon par les publications venant de Twitter, où je partage des articles sur mon domaine et sur mes intérêts. Avec le temps ainsi épargné, je devrais avoir assez de place dans mon agenda pour suivre ce séminaire de l’UQAM sur le big data et enrichir mes connaissances, plutôt que de nourrir un certain cynisme sur la nature humaine.

Je ne cesserai pas d’observer les changements qu’apportent les technologies à notre façon de communiquer, mais je souhaite faire des analyses plus élaborées et tirer plus de ces outils que sont Internet et les réseaux sociaux.

 

 

 

 

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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