Chronique sur le changement de slogan de Facebook au 15-18
En juin, Facebook a annoncé qu’elle avait atteint les 2 milliards d’abonnés et qu’elle en avait profité pour revoir son slogan. La compagnie avait mis tant de ressources et d’énergie pour faire du monde un endroit « plus ouvert » et « plus connecté ». Mais voilà qu’elle souhaite être perçue comme un site qui rassemble les gens et crée des communautés.
Pourquoi Facebook change ainsi de slogan?
On veut probablement mettre l’accent ailleurs. Le précédent slogan en anglais était « Make the world more open, more connected », soit « rendre le monde plus ouvert et plus connecté ». Il faut préciser qu’au cours des 10 dernières années, les compagnies Web ont développé un discours pour se positionner auprès des utilisateurs et des gouvernements comme partenaire dans l’évolution des mœurs et des lois sur la vie privée.
Si Facebook connaît un grand succès interplanétaire ses communications y sont pour beaucoup. Tout dans le discours de Mark Zuckerberg est étudié pour qu’à chaque nouveauté l’utilisateur pense qu’il gagne en contrôle. Chaque nouvelle fonction est censément conçue pour faciliter sa vie sociale pour lui donner les moyens de gérer le volume croissant de vidéos, de photos et d’amis.
Par les mots « open » et « connected », Facebook voulait changer notre perception de la vie privée. Dans le but que les utilisateurs partagent avec toujours plus de générosité et moins de pudeur. Le pari a fonctionné : il y a 15 ans, qui aurait pu imaginer, mettre en ligne ses photos d’anniversaires pour que des centaines de personnes les voient? ou encore diffuser en direct des moments privés de ses vacances? Les mœurs ont décidément évolué en moins de deux décennies.
En ce sens, la « connectivité » a été associée à la transparence. Cela, dans un discours marketing où l’on incitait l’utilisateur à tout dire, à tout mettre en ligne et, grâce à la technologie de la mobilité, à rester constamment branché au réseau. De même, le principe de « partage », si souvent associé à l’ouverture et à la connectivité dissimule, comme en conviennent les experts, des intérêts commerciaux de la compagnie, qui tire ses revenus des données de ses utilisateurs.
Un slogan qui veut « rapprocher les gens » : y’aura-t-il du vrai changement chez Facebook ?
Facebook a subi beaucoup de critiques pour sa gestion des données privées des utilisateurs. On a aussi souligné son incapacité à enrayer vraiment les fausses nouvelles et pointé du doigt l’algorithme de son fil de nouvelles qui crée des bulles qui isolent les utilisateurs.
La compagnie a surmonté une grande partie de ces critiques en communiquant sur les paramètres de sécurité : en expliquant comment configurer son compte à sa façon. Cela dit, le réseau continue de traquer ses utilisateurs de façon toujours plus précise. Le site Gizmodo expliquait récemment comment Facebook arrive à savoir où vous vous trouvez et qui est à proximité.
Et la proximité est au cœur de ce nouveau slogan, « Give people the power to build communities and bring the world closer together ». Ce qui veut dire, « donner à tous le pouvoir de bâtir des communauté et rapprocher les gens ». Le précédent slogan mettait en valeur la technologie et ses capacités, ce qui soulève souvent des suspicions pour ceux qui voient l’envers du décor. Le nouveau met en vedette les utilisateurs et ce qu’ils peuvent accomplir avec la plateforme et veut changer la perception du réseau :
- Facebook ne vous espionne pas : il vous donne les outils pour entrer en relation avec des gens près de vous.
- Facebook ne favorise pas la constitution de groupes de radicalisation à l’abri des regards (ce dont il a été accusé) : il aide plutôt les femmes à se regrouper dans des espaces sécuritaires pour discuter.
C’est par ailleurs un exemple que Mark Zuckerberg a relaté dans son discours, citant une amie d’université retrouvée grâce à Facebook.
Est-ce que la mission plus « humaine » de Facebook va amorcer un changement réel dans la compagnie ?
Ainsi Facebook, plutôt que d’être un réseau dominé par les algorithmes où les fausses nouvelles s’épanouissent en période électorale, est maintenant un joyeux entremetteur qui veut que ses utilisateurs adhèrent volontairement à des communautés et en gèrent le contenu. Comme le dit le chef produit de Facebook, Chris Cox, la proximité, ce n’est pas uniquement la connectivité technologique, c’est la mise en valeur de l’humanité du réseau.
Devant la presse, Chris Cox a expliqué comment reproduire tous les liens sociaux et politiques grâce aux outils du réseau. Mais il a évité les questions qui portaient sur la dépendance à Internet ou sur les études qui affirment que Facebook peut rendre dépressif…
Or, la nouvelle mission de Facebook devrait normalement impliquer que le réseau fasse plus de sensibilisation sur les questions liées à la vie privée et au respect des autres utilisateurs. Cela signifie qu’il devrait sévir contre les intimidateurs, voire afficher moins de publicités si un utilisateur le demande.
C’est donc sur ces quelques points que l’on verra si cette nouvelle orientation de Facebook peut vraiment modifier la mission commerciale du réseau. Qui est, faut-il le rappeler, de vendre de la publicité et rapporter des profits à ses actionnaires.
Est-ce que Facebook saura être à la hauteur de son slogan et des aspirations des défenseurs des droits humains ?
AUTRES SOURCES :
Money, Facebook turn off nearby friends
Anna Lauren Hoffmann, Nicholas Proferes, Michael Zimmer « Making the world more open and connected: Mark Zuckerberg and the discursive construction of Facebook and its users », dans New Media ; Society, 1–20, First Published July 28, 2016.
Mis à part mes énormes doutes sur FB (je n’y mets plus la souris depuis quelques mois mais j’utilise encore son Messenger, n’ayant pas d’autre mode de texto), le fait demeure qu’ils n’ont jamais intégré toutes les petites communautés rurales (d’ici, donc certainement d’ailleurs) à leur option d’auto-localisation. Donc pour rapprocher les gens, favoriser la proximité, y a de grosses lacunes déjà. Pourtant juste changer ça aurait une grande incidence sur la proximité réelle: un nouvel arrivant y trouverait ses voisins ruraux même s’ils ne se voient pas l’un l’autre de leurs domiciles (comme chez moi!). Mon village n’existe pas pour FB (deux autres Saint-Édouard oui mais pas le mien!), donc je peux témoigner de cet écueil, qui ne laisse pas présager une réelle écoute des besoins de la collectivité. Exemple qui n’est sans doute qu’une goutte dans un vaste océan. Je ne m’ennuie pas (plus) de FB, et je n’y retourne pas. Mais c’était mon micro grain de sel, et j’étais contente de passer te saluer, Nadia!
Merci de ton commentaire Hélène et contente de retrouver ici 😉