Quand on parle des médias sociaux en éducation, c’est souvent par le biais du portrait sensationnaliste qui se dessine par les dossiers criminels diffusés dans les médias. Pourtant, dans l’ombre, des enseignants, des chercheurs et des passionnés voient des avenues pédagogiques aux médias sociaux et travaillent sur des projets qui montreront bien que ces outils recèlent de possibilités éducatives…
Quand la cyberintimidation, les comportements inappropriés et le sexe font la nouvelle
Au Nevada, six étudiantes de l’école secondaire de Carson City ont été arrêtées pour avoir inviter une centaine d’amis à joindre un groupe Facebook intitulé « Attack a Teacher ». Un autre étudiant, de Mesa Verde au Colorado, a été poursuivi pour cyberintimidation pour avoir traiter sa prof de « fat ass » ou « gros cul » sur Facebook. Les mesures, en réponse à ces manques de jugement, ne se sont pas faites attendre et en début d’année, on apprenait qu’en Virginie les autorités comptaient interdire formellement les contacts via les messages texte (SMS) ou les médias sociaux entre les étudiants et les enseignants. De tout évidence, on souhaite prévenir par cette interdiction les relations inappropriées (quelle belle expression pour parler de rapports amoureux ou sexuels), la violence ou l’intimidation, des comportements qui disons-le n’ont pas attendu les médias sociaux pour fleurir partout dans les cours d’école…
Les options : interdire les médias sociaux ou éduquer la jeunesse
Fabien Deglise présentait cette semaine, le cas la commission scolaire Lester-B.-Pearson, dans l’ouest de l’île de Montréal, qui a ajouté à son programme un volet visant à former « des citoyens numériques responsables ». On enseignait bien aux jeunes l’économie familiale, une réalité incontournable de leur vie d’adulte, or comment pourrait-on ignorer ce changement dans les communications interpersonnelles et professionnelles qu’apportent les médias sociaux? Si on choisit de former des citoyens sensibles aux réalités d’éthique et de religion, ne devrait-on pas aussi leur rappeler que cette éthique devra s’exprimer dans toutes les sphères de leur identité, dont leur identité numérique? La question se pose… Les médias sociaux sont pour les jeunes un grand terrain de jeu, virtuel soit, mais ce qui s’y déroule influencera tout autant leur développement personnel que ce qui se déroule dans leur vie sociale à l’école.
Les enseignants québécois et les médias sociaux
Après avoir lancé un appel aux gens du monde de l’enseignement sur les médias sociaux, Mario Asselin s’est empressé de me donner quelques renseignements fort pertinents sur la situation actuelle en milieu scolaire. Il m’a ainsi transmis un tableau qui montre comment est géré Facebook dans les différentes commissions scolaires. J’ai constaté qu’un grand nombre de commissions scolaires bloquaient complètement ou en partie Facebook, alors que certaines laissaient un accès partiel ou réservé aux enseignants. Une école privée, l’École Alex Manoogian à St-Laurent, ouvrait tous les médias sociaux. Je n’en tire qu’une conclusion : il n’y a pas encore de ligne directrice. En échangeant avec Nathalie Couzon enseignante au secondaire, qui s’intéresse aux questions touchant l’utilisation des médias sociaux en enseignement, elle a confirmé qu’il n’existait pas de consigne officielle ou de politique claire quant à l’utilisation des médias sociaux par nos enseignants québécois, mais elle ajouté que dans les cours de français les enseignants sont encourager à utiliser les TIC pour développer les «compétences à lire, écrire et communiquer oralement». S’il y a des enseignants ou des chercheurs qui comme Nathalie et Mario s’intéressent à la question de l’intégration des médias sociaux dans le cursus scolaire, les initiatives comme celle de la commission scolaire Lester-B.-Person ne semblent pas encore répandues.
Une politique personnelle qui suit l’éthique de chacun
Dans un article du Monde, une professeure française raconte que les élèves cherchent les traces de leurs enseignants sur Internet… Doit-on s’en étonner? Sur Facebook, des contacts qui sont enseignants au Québec ont vite partagé leur politique personnelle quant aux relations avec les étudiants via ce média. Marie-Christine Bernard, auteure et enseignante au niveau collégial, répond sur Facebook, qu’elle n’accepte pas de demandes d’amitié de ses étudiants. « J’explique, dit-elle, que je ne peux pas être leur amie maintenant, ni dans la vie, ni sur Facebook. Mais qu’on pourra revoir ces positions lorsque les études seront terminées… Ils comprennent. » René B., professeur de philosophie au niveau collégial, partage le point de vue de Geneviève Lefebvre, scénariste, auteure et enseignante qui affirme sans ambages : « Jamais pendant qu’on enseigne. Jamais la demande ne doit venir du prof lui-même. Bref, je suis de la vieille école… » René explique aussi que certains professeurs partagent parfois des réflexions ou des plaisanteries sur le quotidien de leur métier, on peut donc convenir que ces conversations ne se dérouleraient pas de la même manière si des étudiants figuraient dans leur liste d’amis. De plus, René comme une autre prof Nancy, ajoutent que leur collège a un réseau interne (WebCT, BleuManitou et Omnivox sont parmi les logiciels utilisés par les collèges du Québec) qui permet de communiquer avec les étudiants. Toutefois, deux étudiants du secteur collégial me racontent que certains de leurs professeurs utilisent Facebook pour communiquer avec leurs étudiants. Au moins un de ces professeurs s’est créé un second profil « enseignant » distinct de son profil personnel.
Des projets qui montrent les avenues pédagogiques des médias sociaux
De façon spontanée, Katerine-Lune Rollet, journaliste et animatrice médias sociaux m’a rejointe par Facebook pour communiquer sa passion pour une initiative particulière de Metropolis bleu. Le festival de littérature bilingue, suivant sa mission de diffuseur en anglais et français, a proposé à Patrimoine Canada un projet d’enseignement d’une langue seconde par Twitter. Dans ce but, me raconte Katerine-Lune, «Je serai donc à Toronto vendredi et ensuite Vancouver et Winnipeg pour apprendre aux élèves du secondaire comment twitter. Ceux-ci seront jumelés avec des québécois qui eux utiliseront Twitter en anglais. Les uns et les autres correspondront dans leur langue seconde et se corrigeront». De la même façon, Roxane Claessens, directrice des communications pour TECHNOCompétences a porté à mon attention la campagne MaCarrièreTECHNO.com, pour laquelle l’organisme a créé une page Facebook destinée aux jeunes. «Cette page, me dit Roxanne, permet de diffuser des actualités sur les technos et des informations sur différentes carrières. Nous avons également lancé un concours hier permettant aux jeunes de voir se concrétiser une application iPhone ou Facebook de leur invention qu’ils nous auraient proposée.» Que ceux qui croient encore qu’il ne se fait que des inepties sur les médias sociaux se lèvent…
La réalité : les comportements délinquants trouveront toujours une voie pour s’exprimer…
Mais est-ce que bloquer l’accès aux médias sociaux dans les écoles et défendre les contacts entre étudiants et enseignants règle une fois pour toute la question? Vous vous doutez bien que non. D’abord, comme pour les questions d’éducation sexuelle, que l’on décide de parler ou pas des médias sociaux, les jeunes continueront d’être en avance sur leurs parents ou éducateurs et feront tout de même leur exploration du sujet. C’est donc à nous de décider si nous voulons qu’ils fassent ce chemin seuls ou si nous souhaitons leurs donner quelques balises par une éducation numérique conséquente.
Ce billet n’est pas définitif et sera mis à jour après ma chronique et au fil des renseignements. Pour en savoir plus je vous conseille de suivre les gens qui sont dans le milieu…
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Pour suivre ces questions :
Mario Asselin: Mario tout de go et sur Twitter
Nathalie Couzon sur Twitter.
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