Correspondances

Cette semaine, alors que je lisais d’’une part Taximan de Stanley Péan et d’’autre part quelques réflexions philosophiques, je me suis trouvée la proie d’un chauffeur de taxi qui en avait contre toutes les religions. Ce matin-là, je me préparais à exposer mon âme la journée durant. Tout d’’abord à une critique de mes peintures, puis dans une séance de psychothérapie, résurgence de stress post-traumatique oblige. Le chauffeur s’’y connaissait assez bien en textes bibliques et pouvait répondre par des citations assez précises sur n »’importe quel sujet. Pour ma part, j’argumentais mollement par politesse, ce que je fais parfois avec des étrangers. Les discussions bibliques, je connais. J’’ai connu le «Sunday School» complété par les lectures de groupes de l’’église baptiste de ma grand-mère maternelle et les messes cathos suivies d’’un sundae au caramel de ma grand-mère paternelle. Or, pour meubler la conversation, je plaçais ça et là ce qui me revient des principaux conciles œoecuméniques – une lecture d’’il y a quelques années. Plus l’’homme me parlait des vraies valeurs de la Bible, de ces textes travestis depuis le début de l’ère chrétienne, plus ressortaient pour moi les points de jonction de la philo et la religion. Pouvant être tous deux perçus comme codes moraux, la philo est parole humaine et souligne la responsabilité de chacun, alors que religion se veut parole d’’un dieu qui nous surveille. La morale ou le code de conduite est présentée bien souvent comme la recette pour une vie simple et heureuse. Ce qui explique le lot de petites «philosophies» à cinq sous qui garnissent les rayons des librairies. Chaque présentoir y va d’un marketing qui se résume à peu près à cela : «Fais-toi z’’en pas, pense pas, lis mon livre, pis dans une centaine de petites pages écrites ben gros, t’’auras trouver la recette de ton bonheur… Y’’a même un résumé détachable des cinq ingrédients, tu le mettras dans ton portefeuille!».

Au moment d’’écrire ces lignes, je me penche sur la chronique de Michel Vézina dans le ICI, qui mettait en lien deux conversations entendues sur les ondes de Radio-Canada qui référait à la morale et la philosophie. Dans un cas, Raymond Paquin, ex-gérant de Dédé Fortin, dénigrait la philosophie, l’accusant même de causer des états dépressifs. Cela faisait suite à sa chronique de la semaine dernière où il s’’élevait contre le récit misérabiliste publié par Raymond Paquin pour recréer la vie du défunt artiste. Devrait-on bannir les textes déprimants? Je serais plus inquiète pour ceux qui, toujours en quête et jamais en réflexion, sont prêts à adhérer à la première idéologie qui leur sera présentée avec les mots qu’’ils veulent entendre. On ne réfléchit pas, on ne se construit pas un univers à soi, on veut un mode d’emploi et surtout ne jamais avoir à prendre de décision. Je termine donc ici avec un peu d’humanisme (traduit en français presque contemporain par mes bons effets) tel qu’on le trouve chez Rabelais dans Gargantua : «Fais ce que voudras, parce que les gens libres, bien nés, bien instruits, conversant en compagnie honnête ont par nature un instinct et aiguillon qui toujours les pousse à faire vertueux et sans vice, qu’ils nomment honneur».

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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