Quand je serai grande…

Dans ma vingtaine, j’ai souvent été guidée par des femmes plus âgées que moi, qui s’affichaient féministes. Sous leur regard bienveillant, je m’agitais, je m’emportais. Et, elles me racontaient comment elles avaient résolu tel problème, pourquoi elles avaient pris cette décision plutôt qu’une autre. Parfois, je foutais toute cette sagesse par-dessus les moulins, parfois je comprenais.

J’aimerais un jour être une femme sage et bienveillante qui raconte ses expériences sans pudeur pour que les plus jeunes femmes puissent y trouver des réponses. Peines d’amour, fausses couches, insécurités tout acabit, quand 10, 15 ou 20 nous séparent, on a des trucs à partager. Elles me parleraient de qui se passe, et je me reverrais en elles, folle, intacte, pleine d’espoir.

Quand je rêvasse comme ça, je ne comprends pas comment des femmes peuvent tenir des discours moralisateurs aux plus jeunes qu’elles comme si le féminisme c’était ça sans admettre qu’elles ont pu avoir des comportements «discutables» dans leur jeunesse. Am I taking crazy pills? N’y a-t-il donc que Martine et mes quelques amies qui se rappellent de leur jeunesse? Hé! Les filles aviez-vous des amies? Ne parliez-vous pas de littérature ou de sexe de soirées entières (faute de mieux ou pour faire mieux) en prenant un verre ou douze ? Ne pensiez-vous pas que vous étiez en train de changer le monde? Peut-être que si, peut-être que vous avez changé le monde plus que moi, banale queue de comète de génération « X ».

À vous qui avez mon âge ou quelques années de plus, je dis que l’échange, le vrai, il commence quand on livre quelque chose sur soi. Pas sur l’image que l’on croit acceptable, mais sur ce qui est vrai, là au fond. Je te dis ce que j’ai vécu, tu me racontes ce que tu vis. Gloser sur ce que les jeunes font est à la mode depuis que la jeunesse a été inventée, à peu près à l’époque où Colette écrivait L’ingénue libertine, Gigi et tous ses romans sur la difficile émancipation des filles. Depuis, il me semble qu’on a aussi inventé l’amnésie partielle, par exemple, dans ma jeunesse, je lisais le Deuxième sexe de Simone, mais je lisais aussi Madame de Xaviera Hollander en cachette et je lisais aussi L’existentialisme est un humanisme de Jean-Paul Sartre.

Ah! Jeunesse heureuse, quoi, à l’abri de la déchéance du XXIe siècle avec ses rappeurs et le sexe partout, partout. À Woodstock, y faisaient quoi déjà, à part écouter de la musique? En passant allez voir ça.

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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