Bien avant les médias sociaux, les bons relationnistes essayaient de devancer l’information, comme les bons journalistes d’ailleurs. D’un côté comme de l’autre, la veille conséquente, au-delà du scoop non documenté, doit inclure les données en amont, leur mise en contexte par des médias et la réaction à leur diffusion par les médias locaux et les réseaux sociaux. Sinon, on glose sans fondement et on se répète sans approfondir.
Je suis avec passion les développement des médias sociaux et des relations publiques. Or, je discutais, avec un ami qui travaille toujours dans l’ombre des grandes organisations, de relations publiques, de médias sociaux et de l’élément que tous consultent à toute heure de la journée, c’est-à-dire la revue de presse. Peu importe votre domaine, chacun veut savoir ce qui se dit sur son champ d’action et le plus tôt possible. Cette donnée a changé depuis l’avènement du Web – même le simple courriel a changé notre façon d’envisager la veille médiatique – et avec la croissance des médias sociaux, un nouveau lieu de subjectivité public s’ajoute à ce qui se dit sur nous ou notre domaine. Or, le temps réel (ou presque) en ce qui a trait à l’étude des médias et de l’information – je distingue l’information qui est une source de renseignements et les médias qui mettent en contexte cette source avec en conséquence un certain décalage – est un concept avec lequel ceux qui font la guerre (article de Radio-Canada sur l’information militaire) ou travaillent en politique jonglent depuis longtemps. Je ne parle pas ici des événements dont l’impact médias est très large et international, comme les séismes (on les suit déjà en temps réel d’un point de vue scientifique), les éruptions volcaniques et les nouvelles « people ». Ces événements bénéficient déjà d’une multitude de points de vue humains immédiats ou de sources décuplés par les outils électroniques (caméras, téléphones etc.), mais de la veille quotidienne qu’on peut faire en relations publiques d’un enjeu crucial pour notre milieu.
Les points de vue sont maintenant décuplés, mais le temps réel existait avant les médias sociaux. Le temps réel, en théâtre guerre ou dans les rassemblements politiques, n’a pas attendu Twitter, qui en fait est une médiation subjective de l’information émise lors d’un événement, par une partie qui assiste et diffuse les parcelles qui retiennent son attention. Il ne faut pas confondre la matière qui existe, soit l’information, et sa diffusion en direct par un outil : Twitter, Facebook ou toute autre plateforme de diffusion que nos cerveaux épris de performance et de vitesse apprécieront. Je dis donc que le vrai temps réel (ce qui se passe maintenant) en relations publiques et surtout dans les domaines où il y a des enjeux politiques a commencé avec d’autres outils. Par exemple, les stratèges et relationnistes en milieu municipal ont accès à ce que nous appelons un perroquet pour suivre en direct ce qui se passe dans les séances du conseil. Si l’on est un peu maniaque, comme je l’étais à l’époque, on écoute ce qui se dit et on contre-vérifie certains éléments sur le Web, avec, par exemple, les débats de l’Assemblée Nationale. On ajoute à cela les données de recherche connues et trouvées en ligne, puis lorsque les articles des médias traditionnels sont publiés sur le Web ou sur papier, on ajoute ces données et on obtient une veille très peu décalée. Et, souvent, les bons journalistes ont fait la même recherche avant de publier leur article. Parce que les renseignements qui rejoignent certains groupes d’intérêts – sur l’environnement, l’énergie ou l’économie pour ne nommer que ceux-là – font partie d’un système d’information et de diffusion qui inclut les médias québécois et duquel la revue de presse traditionnelle ne fait que témoigner à rebours. La revue de presse ou le rapport de veille médiatique, vous dira donc comment votre entreprise ou votre parole est perçu dans un contexte donné.
Ramener les faits ou réagir à chaud. Si votre veille ne porte que sur ce que les médias mettent en contexte – les renseignements choisis donc – vous serez sans armes réelles face à des réactions ou des perceptions négatives. Par exemple, quand une nouvelle porte sur des données de recherches diffusées d’abord aux États-Unis (ou ailleurs), le temps qu’une agence de presse les « formatent », puis que les médias locaux les « contextualisent » en français, parfois deux ou trois jours se seront écoulés depuis la publication initiale de cette recherche dans un média spécialisé. Vous avez tout intérêt à ajuster ce qui vous sert d’oreille, une plateforme de « monitorage » ou un amalgame de différents outils, pour chercher en amont et recevoir la matière brute pour en prendre connaissance avant qu’elle ne sorte dans les médias de votre canton. Si un spécialiste donne une entrevue sur votre domaine, j’espère que vous connaissez déjà son travail. C’est par ailleurs souvent une des faiblesses des relations publiques que d’agir en mode réactif, une fois qu’une perception a été étalée dans les médias et en utilisant une stratégie fondée sur la perception ou la tentative de correction de cette perception (on réagit à ce que qui se dit) et non pas sur une connaissance réelle des enjeux.
S’informer sur les médias sociaux, pour prendre le pouls de la foule. Dans ce contexte, la veille des médias sociaux (l’équipe de Take Me To Your Leader vous fait une belle liste typologique), vous permettra d’avoir accès à une foule de points de vue, de réactions à chaud et d’interprétations des données qui touchent votre secteur, mais rarement, à moins que vous ne couvriez un événement qui fait l’actualité, à ces données que nous disions plus tôt sises en amont. Mais oui, parfois un gazouilleurs généreux mettra en lien un rapport de recherche ou enverra à un influenceur des médias sociaux une source première, mais cela est rare et si vous, comme acteur de ce milieu, vous découvrez toujours cette information sur Twitter, vous avez de plus gros problèmes de veille que je ne le croyais.
Pour conclure, faire une veille conséquente demande des outils à jour, un jugement assuré et une bonne connaissance du domaine sondé.
10 réflexions sur « De l’information à la glose : pour une veille utile »
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