Quand j’ai enseigné au collégial, j’ai compris que mes étudiants, nourris aux médias populaires n’avaient adopté qu’un mode de réflexion (si réflexion il y a là) celui du vox-pop média, celui du pour ou contre, donnez votre réponse en 20 secondes avec un argument de choc. Sur les médias sociaux, par manque d’espace et par envie de faire mouche, on opte souvent pour l’angle avec moi ou contre moi. Facebook vend vos données à des tierces? Plutôt que d’avoir la question à l’œil comme chez Mashable on se débranche, on fait Facebook Quit! ou on angélise le média qui nous donne tout…
Or, quand on polarise chaque question, chaque interrogation, on manque toutes les nuances de gris et plutôt que de faire avancer un débat, on le fige et on le cristallise en arguments de «pour ou contre».
Polariser une question c’est arrêter la réflexion
Vous en voulez du surplace? Pensez au débat qui oppose les pro-vie et les pro-choix… La question de l’avortement fait du surplace et les acquis dans ce domaine sont vulnérables car la polarisation est une option facile pour classer en 30 secondes toutes les intervention sur un sujet et ramener la réflexion à son niveau cromagnesque de «t’es contre mes idées, je vais te crusher!». Dans ce contexte, mon idée aussi convenue soit-elle, devient moi et éliminer l’opposition c’est chercher à survivre. Appliquez la même tactique communicationnelle à n’importe quel sujet, voire aux médias sociaux et vous aurez la méthode idéale pour arrêter le progrès intellectuel dans le domaine. Ce qui est bien avec la stase du progrès intellectuel, c’est que ça permet aux idées extrémistes d’évoluer et de faire des convaincus. Je suis ironique, mais c’est quand même vrai.
Les positions nuancées ne font pas de belles unes
Pouvez-vous imaginer la une d’un média ou un tweet (ils ont beaucoup en commun ces deux-là) qui expliquerait en 140 caractères (les manchettes sont parfois moins longues) en quoi deux positions, pourtant opposées peuvent être complémentaires si on se donne la peine de les considérer et d’apposer un jugement approprié selon le contexte? Ark! Trop difficile à comprendre et personne ne ferait de I like ou de retweet là-dessus. Alors avec la polarisation des idées, c’est aussi à lucidité qu’on s’attaque. Vous savez la lucidité, cette façon sans complaisance d’envisager un problème qui fait que parfois on est en tort et que parfois on doit se remettre en question pour voir clair… Pas agréable hein? Pas aussi sécurisant que de savoir où on se situe et de reprendre sa place au marbre à chaque conflit.
Il faut un espace pour réfléchir et cet espace peut être votre blogue, votre pratique universitaire ou vos conversations Facebook ou de café, mais il est certain qu’il ne faut pas tout attendre des médias, sociaux ou pas. Que voulez-vous, nous sommes des êtres de contrastes, il faut l’accepter, pour ensuite mieux plonger dans les nuances de gris. Car la polarisation sert surtout à nous rassurer, mais ne préfèrerions-nous pas savoir, plutôt que de vivre dans l’illusion d’un monde en noir et blanc?
MAJ : Pour résumer le tout, vous trouvez sur Wikipedia à l’article Polarization en quoi cela peut être négatif, car le but premier de la polarisation des opinions est de faire taire les voix modérées et d’ainsi réduire le spectre des idées en circulation.
5 réflexions sur « Culture vox-pop: la polarisation des débats fait de bien meilleures manchettes »
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