Facebook a-t-il trop d’influence sur l’information que nous voyons ?

Les notes de ma chronique du 8 novembre, en lien, le fichier audio de l’émission Sur le vif de Ottawa-Gatineau.

De plus en plus, pour nous informer, voir ce qui fait parler autour de nous, nous allons directement sur nos médias sociaux préférés, Facebook en tête de liste. Dans le contexte de l’élection américaine, on a beaucoup parlé de l’utilisation du Web et des médias sociaux par les deux candidats, mais il faut se demander, un média comme Facebook a-t-il trop d’influence sur l’information que nous voyons et donc consommons ? Certains pensent que oui…

Notre façon de nous informer a-t-elle changé tant que cela ?

Ce changement est en cours depuis quelques années déjà, voire plus d’une quinzaine d’années. Donc, si on retourne au début des années 2000, lors d’une élection, les citoyens obtenaient leur information des médias électroniques, la télé en tête de file, suivie par les médias écrits. Les sujets qui faisaient la Une des médias étaient ceux que tout le monde suivait et discutait. Avec le Web et maintenant les médias sociaux, les citoyens ont accès à des nouvelles plus spécialisées ou encore des opinions très polarisées, qui n’étaient pas présentées avant par les médias de masse.

Le fait de ne plus s’informer directement chez les médias, mais de plutôt accéder aux nouvelles par les réseaux comme Twitter et Facebook a, semble-t-il, des conséquences désastreuses pour la compréhension des enjeux d’affaires publiques. Sur Facebook ou Twitter, un média ou un auteur doit recourir à un titre sensationnaliste pour obtenir des clics. C’est un premier biais. Ensuite les journalistes vivent avec la pression de publier des histoires qui vont frapper le lecteur, générer des commentaires, des partages. Avec ce genre d’objectifs, certains médias lancent des histoires qui ne sont pas solides ou si qui ne passeraient pas à la vérification des faits. Et ça se fait au détriment des reportages équilibrés qui contiennent des informations cruciales.

Le citoyen se retrouve donc devant une foule de nouvelles plus ou moins fiables et bien souvent, il n’a pas la capacité de discerner le vrai du faux.

Comment cela se manifeste sur Facebook?

Mark Zuckerberg continue de dire que son site n’est pas une plateforme médiatique, mais une plateforme neutre… Alors que Facebook est de plus en plus un des principaux accès à l’information des médias et une plateforme loin d’être neutre dans le traitement de l’information. Si l’on veut peser l’importance de Facebook dans la politique, le réseau a admis que entre janvier et octobre 2016, quelque 110 millions d’Américains ont généré plus de 5.3 milliards d’actions en lien avec la présidentielle. En fait l’élection américaine est le sujet le plus discuté sur Facebook en 2016 et les utilisateurs ont même créé une nouvelle façon de voter en se désabonnant des amis qui ne partagent pas leurs convictions. Disons que la modération et la neutralité ne règnent pas sur le réseau.

Facebook n’a pas voulu fournir de chiffres sur les désabonnements disant que ça ne fait pas partie des statistique qu’ils enregistrent, mais l’université de Monmouth au New Jersey a conduit des entrevues avec 700 utilisateurs du réseau et près de 50 utilisateurs révélaient avoir perdu des amis ou coupé des liens à cause de la présidentielle. (Source : MarketWatch). Il semble par ailleurs que ce modus operandi se répandent partout et à-propos de tout…

Les politiciens ont compris comment fonctionne ce militantisme de clavier, alors Clinton et Trump ont suivi la vague et se sont fier aux réseaux sociaux pour diffuser leur message (source Pew Research), délaissant les moyens traditionnels, comme les courriels partisans, leur site Web ou même les médias de masse. Trump relaye presque essentiellement des articles des médias (pour pointer leur biais) et Clinton y va avec des vidéos et des contenus de son propre site. Dans la présente campagne, la rhétorique accusative des deux candidats a fait ressortir les pires émotions chez les citoyens relate MarketWatch.

Pourquoi pointer du doigt Facebook dans ce manque de neutralité de l’information?

Zuckerberg dira que Facebook est neutre parce que la plupart de ses choix éditoriaux sont laissés à la bonne gouverne des algorithmes. Ce qui, ne rend pas Facebook moins responsable des biais d’information et des tendances qui s’imposent, puisque les algorithmes qui orientent ses choix éditoriaux ou propulsent les nouvelles que nous voyons sont créés chez eux.

Et, devons-nous le préciser, mais même la programmation n’est pas neutre, elle est faite par un humain qui a des biais, souvent ceux de l’entreprise pour laquelle il travaille. Les algorithmes de Facebook s’appuient sur plusieurs facteurs, dont la proximité avec l’utilisateur qui publie, combien de fois la publication a été partagée ou « aimée » par les utilisateurs, le type de publication – les photos des enfants de vos amis semblent être très favorisés par cet algorithme qui favorise les publications de nos proches – et bien évidemment, pour chacun de nous, l’algorithme tend à s’assurer que nous voyons toujours plus de ce que nous avons aimé… Que la publication soit plus ou moins récente, ce qui crée de plus en plus de confusion dans les conversations.

Les solutions possibles que Facebook n’appliquent pas

Et Facebook fait peu pour changer les choses. Car il y aurait des solutions : Facebook pourrait confier à des spécialistes des mandats d’évaluation des publications pour que les plus crédibles soient favorisées par son algorithme ou encore avoir à sa solde quelques éditeurs d’expérience pour réviser les contenus. Deux facteurs s’opposent à cette solution : d’abord si Facebook doit embaucher et gérer de vrais éditeurs, il devient une entreprise médiatique, ce qu’il ne veut pas et ensuite s’il vérifie les sources et approuvent les plus crédibles, il est à peu près certain, selon la publication Vox, qu’il sera accusé d’un biais démocrate ou de gauche…

C’est le serpent qui se mord la queue et la solution ne viendra pas de Facebook…

Références :

http://www.journalism.org/2016/07/18/election-2016-campaigns-as-a-direct-source-of-news/

Chiffres sur le désabonnement…

http://www.marketwatch.com/story/americans-are-already-voting-on-facebook-by-unfriending-political-foes-2016-11-05

Article qui a guidé ma réflexion et que je cite ici :

http://www.vox.com/new-money/2016/11/6/13509854/facebook-politics-news-bad

 

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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