Fausses nouvelles sur Facebook : savons-nous vraiment comment les identifier?

Plus de trois semaines après l’élection du président Trump chez nos voisins américains et les médias continuent de documenter le rôle des réseaux sociaux dans cette campagne… pour le moins spectaculaire. On discute des fausses nouvelles, on découvre dans certains cas les « fermes à clics » : le cas de l’élection américaine nous fait prendre conscience d’un côté sombre de l’information…

La chronique peut-être écoutée ici : Le Monde Aujourd’hui, chronique techno du 29 novembre

Quand on parle de fausses nouvelles, ce sont donc des nouvelles qui ont été fabriquées de toutes pièces, mais en avons-nous vu tant que cela?

En fait, il est fort probable que vous en avez vu, sans toujours être conscients qu’il s’agissait de nouvelles entièrement fabriquées… Par exemple :

« Pope Francis shocks world, endorses Donald Trump for president », soit « Le Pape François crée une onde de choc en endossant la candidature de Trump au titre de président », une nouvelle démentie par Snopes, mais que vous avez probablement vu circuler pendant la campagne. Ou une autre nouvelle démentie par Snopes, que j’ai moi-même vu passer, cette fois-ci sur Hillary : “FBI agent suspected in Hillary email leaks found dead in apartment in murder-suicide” en français, « Un agent du FBI soupçonné d’avoir causé la fuite à-propos des emails de Hillary retrouvé mort après un suicide dans son appartement ».

L’étrange remontée de l’engagement sur de fausses nouvelles liées à l’élection américaine

Ces nouvelles ont été partagées, commentées et souvent, le démenti, s’il vous l’avez vu, n’est arrivé dans nos fils d’actualités que beaucoup plus tard.

Craig Silverman, un diplômé de Concordia à Montréal, maintenant chez Buzzfeed à Toronto, a analysé avec un outil développé pour Buzzfeed, le parcours de fausses nouvelles et de vraies nouvelles pour comprendre ce qui était arrivé.Il a donc comparé le taux d’engagement (soit le nombre de clics, de partages, de commentaires etc.) sur les 20 vraies et fausses nouvelles les plus populaires.

Dans les premiers mois de la campagne, les vraies nouvelles dépassaient largement les fausses, en terme d’engagement, puis entre aout et novembre, le taux d’engagement des fausses nouvelles s’est mis à remonter, jusqu’à dépasser celui des vraies nouvelles.

Comment peut-on obtenir autant de clics et de « j’aime » pour des nouvelles en apparence assez peu crédibles?

C’est la partie intéressante ici, il existe depuis presque 10 ans maintenant, des entreprises, souvent situées en Inde ou Asie, que l’on appelle des « fermes à clics » ou « click farms » en anglais. Ces fermes à clics, pour un prix ridiculement bas offrent des services de « clics ». Donc des employés passent leur journée à cliquer sur les nouvelles des clients, afin de leur donner un taux d’engagement plus grand, donc d’augmenter leur visibilité.

Cette activité artificielle influence la visibilité des nouvelles et se joue à tout fins pratiques les critères de l’algorithme Facebook.

La chaine de travail va ainsi :

  • Une premier sous-traitant créé de faux profils selon les besoins très précis d’une compagnie, généralement une ferme à clic, donc des profils qui correspondent à un groupe d’âge, d’activités etc.
  • Puis le premier fournisseur de service transmet ces profils à la ferme à clic qui elle a une liste de nouvelles de ses clients sur lesquels elles doit faire cliquer ses faux-profils…
  • Bref, par un système de sous-traitants, un média ou une marque peu honnête peut se bâtir une crédibilité et une visibilité.

Devons-nous nous inquiéter réellement de la circulation de ces fausses nouvelles, n’avons-nous pas le discernement nécessaire pour départager le vrai du faux?

Il faut s’en inquiéter oui, car semble-t-il que les différents publics ont de plus en plus de difficulté à juger de ce qui est vrai ou faux sur les réseaux. Il suffit de voir tous ces statuts copier-coller qui promettent mondes et merveilles à celui qui le publie pour détecter une certaine crédulité chez les utilisateurs.

Nous pourrions nous dire que le niveau d’éducation est garant de moins de naïveté de la part du lecteur. Malheureusement une étude de l’université Standford paru la semaine dernière affirmait que les étudiants autant des niveaux primaires, secondaires et universitaires avaient des difficultés à identifier une information erronée sur les réseaux sociaux.

L’étude a été réalisée avant l’élection, en 2015, mais prouve que le manque d’éducation aux médias des étudiants, sur des enjeux touchant la politique pourrait s’avérer une menace à la démocratie. Il semble que le contenu des cours sur la vérification des sources primaires était à la fine pointe en 1999, mais n’a pas évolué beaucoup depuis.

Quels sont ces savoirs que nous devrions tous maitriser au fond pour distinguer le vrai du faux?

Selon l’étude de Stanford, voici qu’il faut être capable de faire, vous avez déjà les compétences numériques pour mettre ces conseils en oeuvres et ça ne vous prendra qu’une minute…

  • Il faut être capable de trouver qui a écrit le texte que l’on lit, vérifier avec une autre source la crédibilité de l’auteur ou du média. Souvent, il faut alors utiliser un moteur de recherche et valider les sources…
  • Comprendre ce que « contenu sponsorisé », commandité ou payé par un annonceur signifie, c’était un gros problème pour les étudiants.
  • Par exemple chez La Presse +, on identifiait «XTra» les contenus de marques ou payés par des commanditaires. Or plusieurs lecteurs ne comprenaient pas la signification du logo XTra, le média a par ailleurs été blâmé pour infopub en raison de ce manque de clarté.
  • Comprendre aussi les codes des médias sociaux, comme les « crochets bleus » sur Facebook et Twitter qui attestent qu’une source est officielle ou crédible.

C’est donc notre éducation aux médias, comme citoyen qu’il faut faire ou refaire…

Sources :

Sur Vox, les questions liées à l’engagement sur les publications et l’étude de Craig Silverman de Buzzfeed.

La journée typique d’un fabriquant d’engagement dans une ferme à clics ou « click farm » 

L’étude de l’université Stanford

Les fausses nouvelles et autres sur Wired…

Image : Workers in Richard Bragg’s account farm dans New Republic

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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