Le film d’Alex Gibney s’ouvre sur le suicide de Clive Baxter un membre de la haute direction d’Enron. Le ton est donné : ce documentaire aura des airs de tragédie.
Enron :The Smartest Guys in the Room était à l’originie le titre d’un livre écrit par Bethany McLean et Peter Elkind qui témoignent dans ce documentaire. McLean est la jeune journaliste du magazine Fortune qui a eu l’esprit de faire ce qu’aucun partenaire d’Enron parmi lesquels Merryll Lynch et la firme de comptabilité Arthur Andersen n’avait fait, c’est-à-dire demander : « d’où viennent les profits mirobolants qu’Enron inscrit chaque année à ses états financiers? ». Cette simple question de McLean sur les états financiers d’Enron a déclenché un état d’alerte général parmi la haute direction de la firme la plus innovatrice au monde.
Ce film explique assez bien les rouages de base de la comptabilité d’Enron, par exemple les profits inscrits aux états financiers sur la valeur hypothétique projetée d’une simple idée en développement (hypothetical future value) ou encore la dissimulation des passifs (dettes pour les moins comptables d’entre vous) de l’entreprise dans des compagnies subsidiaires, mais il se veut avant tout un film sur les gens. Comme Gibney l’explique dans l’introduction, peu importe les mécanismes que ces « smart guys » ont pu trouver pour contourner le système et adapter les lois à leur recherche insatiable de profits, il se trouvera toujours d’autres gens d’affaires fascinés par leur propre pouvoir de conviction pour monter des arnaques incroyables. Ce sont donc les gens qu’il faut observer.
Or, dans ce film c’est une culture d’entreprise qui est révélée. Comment on a construit des équipes de travail cloisonnées, comment on a créé une ambiance ou toute remise en question de ce qui était dit par le charismatique CEO Peter Skilling était perçu comme un manque d’esprit d’équipe. Pour assurer la cohésion dans les groupes de travail, chaque année, les employés étaient évalués par un comité de pairs et 15 % de l’effectif était mis à pied. Skilling, fier de ses méthodes, répétait à tous les meetings qu’ensemble ils formaient la « meilleure compagnie au monde », un exemple que tous suivraient… À ce propos, ce sont les clips de l’entreprise qui sont les plus évocateurs.
Enfin, vous serez rassurés d’apprendre que Ken Lay, le fondateur d’Enron, était un copain de George W. Bush. Michael Moore avait révélé les liens entre les familles Bush et Ben Laden, il est donc éclairant de constater que les responsables des deux plus grandes tragédies américaines des dernières années étaient tous deux accointés à la famille Bush .
Les réalisateurs de documentaires ont souvent un malin plaisir à souligner que l’ombre bushienne ne plane jamais loin des magouilleurs. Un autre de ces excellents films est «Outfoxed» de Robert Greenwald (qui est également derrière «Wal-Mart : The high cost of low price»). On y raconte le parti pris pas très subtil de la chaîne Fox envers l’administration Bush. À voir même si ça fait rager!
Et cette ombre buschienne semble s’étendre dans tous les milieux où il y a un dollar à faire. J’ai entendu parlé de Outfoxed, je vais donc le mettre sur ma liste de documentaires à voir… Merci !