Attention non désirée et déraisonnable

Je considère qu’on parle trop du voile des musulmanes. Voteront-elles voilées ou pas? En ce moment, si l’on se fie à l’accent que les médias et le gouvernement mettent sur la question on s’attendrait à ce qu’un pourcentage élevé de femmes soit touché. Comme ce n’est pas le cas, on donne une importance suspecte à une question qui peut très bien se régler entre les personnes. Je dis bien suspecte, car l’effet de cette surenchère jusqu’à présent est de nous braquer contre les musulmans et la foi islamique. Et, déjà que cette religion n’a pas toujours la cote…

J’habite à Montréal depuis 1999, je croise des femmes qui portent le foulard tous les jours et je n’ai vu des femmes le visage voilé peut-être que deux ou trois fois. La dernière fois, c’était en juillet dans la file d’une caisse au Ikea. La femme était mère d’un jeune enfant et elle a partagé un paquet de biscuits avec une autre mère (qu’elle ne connaissait pas) et dont l’enfant s’impatientait. Or, si son visage voilé m’a surprise, après quelques minutes, je n’y pensais plus.

Si nous tâchons de voir vraiment clair, plutôt que de nous dissimuler derrière quelque accommodement aussi raisonnable soit-il, le voile facial, au-delà de considérations féministes ou laïcisantes, heurte nos codes sociaux occidentaux. Je parle de ces codes que les anthropologues comme E.T. Hall ont étudiés et qui régissent nos échanges avec les autres : serrer la main, respecter la « bulle » de l’autre, être propre etc. Selon nos codes occidentaux, garder son visage caché peut être perçu comme une menace. Je suis toujours étonnée de voir comment on contourne la question lorsqu’on discute de ce sujet. Comme femme, je ne comprends pas le port du voile, mais je ne prétends pas comprendre la foi musulmane or ma compréhension de cette pratique se situe à un niveau social.

Quant au vote des femmes voilées, s’il faut qu’elles se découvrent le visage, une femme de la table de votation les identifiera dans un lieu privé et ensuite on procède. Avec le nombre ridiculement peu élevé de femmes qui se prévaudront de ce droit, je suis prête à gager que cela ne causera pas d’attente dans les pôles de votation…

Alors pourquoi donc en parle-t-on sur tous les tons?

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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