Comment je suis devenue blogueuse

Autoportrait, réalisé au printemps 2005, acrylique, 20" x 24", c Nadia Seraiocco

Si vous pensez que c’est arrivé le jour où j’ai ouvert ce blogue, détrompez-vous, j’ai mis quatre ans à comprendre ce que faisais ici…

Malgré une omniprésence sur les réseaux sociaux et après avoir tenu un blogue plus de huit ans, je ne m’épanche rarement en public. En fait, quand ça bouillonne dans mon cerveau, j’écris des nouvelles, des réflexions personnelles que je ne publie pas ici. Ce sont donc les hiatus qui révèlent le plus de ma vie privée. J’ai donc fait l’exercice et suis allée voir dans mes archives ce que j’écrivais dans les moments les plus difficiles.

2002

En octobre, ce n’était pas la joie, mon père se sortait difficilement d’un cancer, je subissais une résurgence de stress post-traumatique reliée au 11 septembre 2001 et mes parents étaient sur le point de se séparer. J’avais connu mieux. Je bloguais peu, trois petits billets de quelques lignes en un mois.  En novembre, mes parents négociaient leur divorce et au beau milieu du mois le plus jeune frère de mon père est décédé subitement. J’ai mentionné le décès de mon oncle, mais pas le reste, cela a donné quatre billets en un mois.

2003

Je me souhaitais une année meilleure. J’étais occupée : adoption d’un autre chien, mariage, achat d’une maison. Bref, j’arrivais à peine à faire deux billets par mois. J’ai même complètement dé-blogué en mai et juin. En juillet, quelques billets qui tiennent plus du journal personnel que de mes billets habituels. En septembre, la petite angoisse habituelle liée à la peur de la résurgence du stress post-traumatique a été supplantée par la mort ma cousine Martine, 39 ans, mère d’une petite fille de trois ans, emportée par une récidive de cancer. J’ai écrit une fiction sur un décès, inspirée de la mort de ma tante L., décédée du même cancer des années auparavant, mais j’ai arrêté de bloguer jusqu’au 15 décembre.

2004

En janvier, on sent que le boulot (j’étais alors porte-parole) commence à me peser, mais je demeure discrète. En février, la mère de ma cousine Martine, décède à son tour d’un cancer fulgurant. Les billets se font rares en mars et avril, car je planche sur un essai sur le travail performatif de Gina Pane en vue d’être réadmise à la maitrise à l’UQAM.  Je n’écris presque plus en mai et juin, mais en juillet, au moment des vacances, je recommence à faire plus d’un billet par semaine. En septembre, je discute les événements de la radio « libre » de Québec, je blogue à mon rythme, soit sept ou huit billets par mois. Cela dit, j’omets dans mes billets que mon boulot est devenu extrêmement stressant, car j’ai une patronne au bord du burn-out qui me tarabuste et se fâche quand je vais à la toilette trop souvent. En novembre, je prends congé, je me remets à bloguer et à faire des petites chroniques littéraires à CIBL dans l’émission d’une amie.

2005

En février j’apprends avec joie que je suis enceinte. Je ne vous en dis rien. Je ne dirai rien non plus, quand je perds le bébé à 12 semaines, le 27 mars. En mai, après un week-end à Québec, sitôt revenue à Montréal, mon père est hospitalisé pour plusieurs jours en raison d’une pancréatite. Je vais donc veiller sur lui et préparer son retour à la maison. Je n’en dis rien sur mon blogue. Fin juin, je ne blogue pas, nous déménageons à Ottawa et je suis découragée des démêlés avec mon ex-employeur qui veut me faire rembourser des sommes qu’il ne m’a pas payées. Histoire compliquée, mais vous n’en saurez rien, pas plus que je ne vous parlerai de ce déménagement difficile en pleine canicule, seule avec mon père, mon chum étant à Ottawa.

En octobre, j’enseigne, je me tiens tranquille, car je suis enceinte et persuadée que si je prends ça cool tout ira. Fin novembre, dixième semaine, je ne me sens pas bien, on me fait une échographie et en voyant le bébé sur l’écran, je comprends qu’il n’y a plus de cœur qui bat. Chaque fois que j’en parle ou que je l’écris, j’ai un gros sanglot qui remonte…

2006, 2007 et 2008…

Sans que je le comprenne, c’est là que je suis vraiment devenue une blogueuse. Tandis que mon mariage se détériorait, que mon chum s’intéressait de plus en plus à ses business ventures et de moins en moins à nos projets, je travaillais à plein temps, je bloguais, je rédigeais un mémoire et j’écrivais des fictions inspirées des événements que je n’avais jamais raconté. La mécanique était en place. Au printemps 2007, j’envoie Buisson Ardent à Zinc et la nouvelle est publiée en juillet, au moment de notre retour à Montréal. Je prends une semaine pour nous installer et je recommence à travailler.

En 2008, après le décès de ma marraine, d’avril à octobre, entre la thérapie de couple, le travail et les amis, j’ai fait face à une décision importante, me séparer. Avec les déménagements et les faux-départs, l’argent destinée à l’adoption avait fondu, je songeais à quitter un job que j’aimais pour un boulot de porte-parole, dans le but d’obtenir un plus gros salaire pour sauver littéralement les meubles. En octobre, quand j’ai eu ma lettre d’embauche, je pleurais et ce n’était pas de joie.  J’ai compris que je tournais en rond et avec le nouveau salaire, j’ai acheté ma liberté et vendu le reste.

Au printemps 2009, quand mon patron s’est montré froissé que j’ai mis en ligne un billet qui lui faisait honte (un billet écrit sur deux ans), je lui ai expliqué que cela ne s’adressait pas à lui. Ne comprenant toujours pas mon champ de compétences ou n’y étant pas intéressé, il me suggérait pour exploiter mieux  mes talents de faire de la mise en ligne sur le site de la compagnie … Même à ce salaire, j’avais autre chose à faire. J’ai démissionné la semaine suivante.

Ce n’est pas parce qu’on blogue qu’on dit tout. Et je vous cache encore bien des choses.

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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14 réflexions sur « Comment je suis devenue blogueuse »

  1. …comment commencer… merci Nadia de ce beau billet; merci et en même temps,je te dirais bravo d’avoir surmonté toutes ces épreuves, ce chemin semé de pertes toutes plus délicates les unes que les autres.
    Bloguer, ce n’est pas tout dire, loin de là: tu viens d’en faire la preuve (mais en même temps tu auras fini par avoir « besoin » de dire toutes ces choses, qui ne sont pas tout, comme tu le précises si bien).
    Je serai bien curieuse de savoir par quels sentiments tu es passée pour, « finalement », rédiger ce billet.. avais-tu l’impression de trop en cacher?? COmment te sens-tu maintenant que c’est publié?
    Bon, je te laisse et te dis encore un grand bravo!

  2. Merci Panthère… Tu vois comme je peux être pudique, malgré tout 😉

    Aurélie : j’ai vécu quelques mésaventures ces derniers temps où des gens, parfois même des proches, avaient l’impression de tout savoir parce qu’il me lisait. Ils se disaient, si elle blogue des trucs sur les médias sociaux, le théâtre, les arts, c’est que tout va bien, pourtant ça bougeait parfois en tous sens. Certains ont même manqué le billet où j’annonçais laconiquement ma séparation…

  3. Je comprends l’origine de ce billet; mais, tu n’as pas à te justifier chère Nadia…on blogue d’abord sur ce que l’on a envie de partager; je ne te demanderais qu’une seule chose: continue!

  4. Merci, j’ai bien l’intention de continuer, c’est un peu le postulat, je crois de ce billet… Le goût d’écrire en écrivant…

  5. Ping : Nadia Seraiocco
  6. Ping : Isabelle T
  7. Quel beau texte. Merci pour tant de partage et de générosité. Je vais vous suivre, c’est inspirant.

  8. Merci JP… Vous pouvez aussi lire les quelques textes de l’onglet fictions et celui en page d’accueil intitulé Les fourmis qui continuent en fiction mes réflexions 🙂

Les commentaires sont fermés.

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