S’inventer une vie sur le Web

Récemment sur Twitter des contacts ont comparé l’ambiance du fil d’actualités au chat MSN des belles années. Mais bon, chacun gazouille à sa guise et on est libre de suivre qui l’on veut. Ce commentaire était prémonitoire puisqu’une affaire d’imposture ou d’abus de confiance entre individus est devenu le sujet du jour, au point de faire l’objet d’un billet sur le blogue de BV… D’autres blogueurs ont commenté l’affaire, Nathaly parle de chasse aux sorcières et Rick y va d’un judicieux conseil à nous tous : Se mêler de ses affaires pourrait sauver le monde…

Est-ce que le fait de s’inventer une identité Web est nouveau? Mais non… Avant la mobilité, le wifi, les webcams et tutti quanti, les discussions sur Internet était l’affaire des forums, du clavardage sur ICQ ou MSN Hotmail. Je vous parle des temps préhistoriques des communautés, à la fin des années «90». Peu d’entre nous échangions en ligne sous notre réelle identité. Une chose était certaine : cela posait des limites claires entre le Web et la réalité. Il y avait des impostures, mais la dimension moins publique (en 1998 qui avait Internet à la maison?) de ces échanges tuait le voyeurisme des uns et l’exhibitionnisme des autres.

Le fait de m’appeler Nuage plutôt que Nadia, ne signifiait pas que j’allais mentir à mentir à mes vis-à-vis. Et, les gens développaient tout de même de vraies relations en ligne. Comme aujourd’hui, dans les réunions sociales et les cours, nous parlions des échanges que nous avions sur le Web, des controverses qui s’étaient développées et des chicanes sur certains babillards. Sans mobilité et wifi, nous pouvions papoter sans emmerder nos commensaux avec le dernier commentaire d’un tel ou d’une telle, sur notre mise à jour Facebook ou Twitter. Mea culpa, j’en suis maintenant coupable moi aussi. Transparence ou pas, il se développait entre les vraies personnes, derrière les noms d’emprunt, des relations amoureuses et des amitiés. Des tromperies ont eu lieu aussi, voire de virulentes disputes,  qui souvent se sont résolues entre les parties concernées et en privé, là où chacun avait son nom de baptême.

Je me rappelle même d’un ami qui s’était forgé un personnage : Rita, quarantenaire souffrant d’obésité, confinée à la maison et qui cruisait en ligne. Il croyait vraiment que tous voyaient clair dans son jeu, jusqu’à ce qu’un contact de plusieurs mois, avec qui il échangeait et flirtait (en joke, croyait-il) ne lui confesse son amour et demande de la-le rencontrer… Cet ami a dû échanger en privé avec son prétendant pour lui expliquer sa méprise. La situation était gênante pour les deux parties, sans plus.

Et si, J. ne m’avait pas raconté cette histoire sur un trottoir en fumant une cigarette, je ne l’aurais jamais su. Quand on expose ses sentiments en public, il ne faut pas s’étonner que les gens les discutent dans la même arène. On peut avoir un nom inventé et ne pas mentir, on peut être le pire des menteurs sous sa propre identité. Une vraie relation ça se passe entre deux personnes, ce n’est pas un spectacle.

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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15 réflexions sur « S’inventer une vie sur le Web »

  1. Ça rejoint tellement mes réflexions des premiers jours! Quand on s’expose autant, il faut s’attendre à ce que les gens continuent d’en parler…

  2. Tout à fait, j’ai eu beau tourner l’affaire dans ma tête, mais ce qui est public est public et les gens peuvent en discuter. Si on souhaite qu’il en soit autrement, il faut en dire moins…

  3. Ping : Nadia Seraiocco
  4. Ping : Patricia Gagné
  5. Ping : Nadia Seraiocco
  6. Ping : Nadia Seraiocco
  7. Ping : Josée Barrette
  8. Bon OK Nadia, grâce à ton billet je vais maintenant dire la vérité. En fait je suis une jeune femme de 30 ans qui mesure 1M92 et qui a des formes de déesse. Mais j’ai réellement étudié en commerce électronique et dans la vraie vie, je suis très mais vraiment très gênée…

  9. Bon, bon, bon, commence-nous pas ça toi… On aimait ça se faire raconter des histoires… 🙂

  10. Ping : Isabelle T
  11. J’ai déjà eu un blog où j’écrivais sous un faux pseudonyme et je racontais des histoires sexuelles vécues (?)…

    Mais dans la vraie vie qui sait vraiment ce qui est vrai de ce qui est faux???

    Vrai par contre, j’ai connu mon conjoint via internet il y a cinq ans déjà.

  12. Brigitte : J’écris de la fiction en dilettante (tu peux lire deux textes dans la section fiction) et quand un éditeur me lit, les détails qui le font sourciller et qui lui semblent tirés par les cheveux sont toujours les seuls éléments vrais! De même sur ton blogue, si les gens assumaient que le vrai et l’inventé se mélangeaient, ils devaient se tromper à tout coup 🙂

    Et oui, pseudonyme ou pas, le Web est parfois comme une taverne où on magnifie nos réalisations et parfois le petit gros qui boit sa bière, tranquille dans son coin et fait « oui, oui » quand on lui parle, est une vedette qui sort incognito…

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