La radio se consomme-t-elle toujours comme avant?


Ce matin, notre ministre de la Culture, Hélène David, à Gravel le matin sur Ici Première, expliquait son point de vue sur les quotas francophones exigés à la radio (voici un article du Devoir qui résume sa position). Les radios, devant la compétition de l’écoute de musique en continu, des balados de partout dans le monde etc., tentent de faire modifier ces quotas pour, on le présume, rapailler un peu leur auditoire. La ministre David a bien raison quand elle dit que le jour, entre 6 h et 18 h, le problème ne se pose pas : nous écoutons nos chaînes radiodiffusées sur le Web ou par appareil analogique et nous commentons les contenus sur les réseaux sociaux.

Or, la semaine dernière, en écoutant un podcast en direct en soirée (Radio Talbot), je me suis demandée si les façons d’envisager la programmation radiophonique dans certaines stations étaient toujours pertinentes. Les soirées sont dédiées aux émissions musicales classées par genre (rock, franco, jazz etc.), parce que l’on présume que les amateurs de musique se fient encore à la radio pour écouter des listes de pièces choisies pour eux. Mais consommons-nous encore la radio comme avant?

Balado, musique en continu, les options se sont multipliées

Sans hésiter, plusieurs me répondront que non et je serai plutôt d’accord. Nous en tenons pour preuve que nous-même ne sommes pas toujours en synchronie avec nos émissions préférées (la balado et les extraits en ligne permettent alors un rattrapage); que nous écoutons parfois un seul extrait d’une émission parce qu’il correspond à nos intérêts; qu’il arrive aussi que nous écoutions des émissions de radio d’ailleurs (que ce soit des États-Unis ou de France) en format balado ou podcast. Et tout cela vient aussi complexifier le jeu pour les radios locales, implantées dans une culture et diffusée dans une langue.

D’où proviennent les revenus du secteur musical?

Les chiffres des années passées montrent que ce qui fait probablement concurrence aux postes de radio est la musique numérique, mais fait récent, c’est surtout celle écoutée grâce à des services de diffusion Web comme Spotifiy, Google ou Rdio qu’il faut surveiller (pour ne nommer que ceux-ci et Apple Music ayant vu le jour en 2015). On voit par ailleurs dans le graphique ci-bas, que les revenus de téléchargements baissent, tandis que ceux liés à la musique en continu montent, tout comme, fait qui témoigne de notre engouement pour l’objet rétro, les ventes de vinyles. Ce dernier point vient nous rappeler que l’objet de qualité, quand il est distinctif (livre, disque ou cassette distribué souvent en édition limitée) a encore un public dédié.

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J’avais par ailleurs présenté cette illustration lors d’une conférence pour CKRL MF 89,1, une radio citoyenne de Québec. La chose a fait réfléchir les gens présents et notre conversation a portée aussi sur la valeur ajoutée à une programmation musicale, c’est-à-dire sa présentation par des animateurs spécialisés dans un genre, capable d’enrichir le contenu et de maintenant une conversation avec leur auditoire. Car sinon, sans contenu parlé, disons-le, pourquoi écouter la radio?

Parce que s’il y a dix ans, un amateur de musique au travail, dans sa voiture ou ailleurs choisissait un poste de radio pour le type de musique qui y était diffusé, il peut maintenant choisir des listes de musique mises en forme selon ses goûts (merci algorithmes) ou encore par des mélomanes qu’il apprécie et tout cela disponible à peu près partout grâce à la mobilité.

Or, si l’on veut vraiment promouvoir la chanson francophone du Québec, il faudra plus que des quotas (quoique je tiendrais une solide réflexion sur le sujet avant d’y toucher), c’est toute notre façon d’envisager la programmation radio qui doit être revue et tant qu’à y être, notre ministre de la Culture pourra peut-être accorder des bourses de création aux podcasteurs qui font la promotion de la culture d’ici. Prenons donc la voie de l’avenir…

Nadia Seraiocco

Spécialiste relations publiques et médias sociaux | conférencière | blogueuse

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2 réflexions sur « La radio se consomme-t-elle toujours comme avant? »

  1. Merci Nadia pour cette analyse. Personnellement, je suis un consommateur de radio. J’y ais appris beaucoup, grâce au professionnalisme d’animateurs, d’animatrices, qui m’ont amené plus loin souvent, dans l’écoute d’une pièce. Avec la technologie qui ne cesse d’évoluer, je peux m’enfourner toutes les choses que j’aime et qui me reconnecte avec la musique qui m’a accompagné dans ma vie (déjà longue). Mais en écoutant un ou une mélomane me raconter l’histoire, l’origine d’une oeuvre, non seulement ça me porte à prêter vraiment l’oreille à quelque chose que j’aurais écouté distraitement autrement, mais ça me permet de continuer d’apprendre, d’être vert pour de nouvelles expériences musicales.

    En bref, je crois que les diffuseurs de musique se doivent de tenir compte du fait que…: Si de plus en plus de gens consomment tout et rien facilement. Ils restent perméables au fait de connaitre quelque chose de plus sur une pièce musicale plutôt qu’une autre et la faire sienne. Une animation efficace peut encore, peut-être même plus que jamais, attirer des auditeurs fidèles.

  2. Merci René, je crois aussi que les animateurs mélomanes et qui savent captiver le public demeurent la source la plus certaine pour le futur de la radio. Sinon, aussi bien écouter sur un service de musique en continu une playlist conçue pour soi, à partir de ses goûts…

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